Pourquoi les enfants et les adolescents se comportent-ils différemment avec leurs parents qu’avec les autres adultes ?
Une tentative d’explication basée sur la théorie de l’amour primaire de Mickael Balint - Par Nathalie Debled
Tous les parents ont constaté que leur enfant faisait des crises de colères préférentiellement quand il est avec eux et pas avec les autres. A l’école, chez les grands-parents, chez X ou Y, il est sage, obéissant. Leur ado est parfois tellement dur avec eux et adorable avec les autres.
Amers constats n’est-ce pas ? Comme ça se fait, me direz-vous ? Est-ce que c’est parce que je le gâte de trop ?
Peut-être mais il est possible qu’il ait une autre explication. Appelons à la rescousse Mickael Balint, psychanalyste et médecin allemand du 20è siècle.
Mickael Balint a fondé la théorie de l’amour primaire.
Pour lui, l’individu baigne in-utéro dans un état de relation intense avec son environnement. Tous ses besoins sont satisfaits : c’est l’investissement primaire originaire. C’est un univers où il n’y a pas encore d’objet, seulement des substances ou des espaces dépourvus de limites.
La toute première relation que l’enfant connaît, la relation primaire ou amour primaire, est donc cette relation harmonieuse à un environnement indifférencié (=le milieu utérin).
La naissance est un traumatisme qui bouleverse cet équilibre en modifiant radicalement l’environnement et qui impose à l’enfant une nouvelle forme d’adaptation. C’est ce qui déclenche la séparation entre l’individu et son environnement.
Pour peu que les soins donnés à l’enfant par une personne privilégiée de son environnement (un des parents par exemple) soient « suffisamment bons » (cela veut dire le plus adaptés possible à ces besoins, centrés sur l’écoute et une compréhension du nourrisson), cette personne peut conserver une part de l’investissement primaire originaire : elle devient un objet primaire.
Tout au long de leur vie, les relations à ces objets primaires (les parents donc) seront différentes c’est-à-dire plus primitives que les relations à toutes autres personnes. Cette relation a pour caractéristique que l’objet primaire y est considéré comme allant de soi. L’objet primaire n’a pas de désir qui lui appartiennent en propre. En effet, le liquide amniotique n’a pas de désir ! Pour l’enfant, il est donc entendu que l’autre aura automatiquement les mêmes désirs que lui.
Comme c’est une illusion que son parent lui soit aussi dévoué que son liquide amniotique, il vivra d’office des déconvenues. Pour la moindre anicroche, la moindre discordance entre l’enfant et son objet primaire, la réaction consistera en symptômes bruyants et violents, comme si le sujet avait été submergé par des impulsions agressives destructrices à l’état pur. L’enfant ne comprend pas !
Ce type de relation est vécu dans l’enfance et revécu dans l’adolescence. Cela expliquerait donc les réactions disproportionnées des enfants et ado envers leur parent !
« OK, j’ai compris pourquoi mon enfant peut réagir comme ça par rapport à moi. Je dois donc être toujours d’accord avec lui alors pour ne pas le faire souffrir ? »
Surtout pas ! Il est important, au contraire, que l’enfant apprenne à gérer cette grande frustration. Les frustrations vont l’aider à grandir.
Voyez-vous : chaque être est fondamentalement à la recherche de cet « amour primaire », c’est-à-dire d’un type de relation susceptible de satisfaire tous ses besoins. Cela explique peut-être le succès des soins « spa » dans l’eau chaude !
Mais la recherche de ce monde parfait où tous les besoins sont satisfaits est une impasse, une illusion, un rêve. Nous sommes sortis de l’utérus et nous ne pouvons y retourner. Cet amour « tout-puissant » ou « avide » n’existe pas. Il est donc condamné à rencontrer la frustration. C’est un amour infantile qui réclame l’exclusivité. C’est un amour incapable d’une satisfaction dans la réalité et pour cette raison, il est essentiellement condamné à se terminer par une déception et à faire place à une attitude hostile.
Voilà pourquoi il est important que les parents restent fermes dans les limites qu’ils instaurent face à leur enfant et surtout leur adolescent « tout-puissant » afin de l’aider à dépasser petit à petit cette relation infantile (tout à fait normale à leur âge, je le rappelle) et ainsi de lui permettre d’évoluer vers une relation plus harmonieuse et plus adulte avec eux.